mercredi 16 janvier 2013

Interview de Keny Arkana: questions après son passage à la ZAD

A.FP | 16.01.2013 par Camille

1)  Comment décrirais-tu les conditions de vie à la ZAD ?

Bon, je n'ai pas eu la chance d'aller voir tout les lieux de vie qui existe à la ZAD… Et en même temps 2 jours ne sont pas suffisants pour donner un avis pertinent…Mais je dirais qu'en général pour faire vivre un lieu et/ou campement de résistance, cela demande déjà énormément de courage et de motivation surtout quand le climat y est plutôt hostile et que la police use de toutes ses ruses et de toute sa violence pour détruire et évacuer les lieux-dits… ça demande aussi énormément de solidarité entre les gens et une certaine forme de transparence afin de rester unis… ces lieux renferment bien souvent de belles aventures humaines… J'ai été pour ma part heureuse de rencontrer plein de frangins et frangines avec qui il y a eu de vrais échanges…

2) Sur quoi ton regard et ton cœur se sont le plus portés ?
Je dirais déjà sur les gens et sur le bel éventail de styles, d'âges et d'espoirs qui se rassemblent autour de cette lutte… Puis le champ des possibles, 2000 ha, c'est pas rien pour construire un tas de projets alternatifs…

3) As-tu vu des choses qui t’ont déçues ?
hum, je dirais que c'est souvent le même problème qui revient, à quelques exceptions près… un certain manque d'organisation et de communication, souvent entre les différents lieux de vie… 

J'ai pu voir des décisions individuelles prendre le pas sur le collectif et celui-ci être mis ensuite au pied du mur…

Dans un collectif c'est important que les décisions soit collectives, sans ça on replonge dans les dérives du vieux monde… C'est important de créer des outils, qui nous permettent de nous organiser, et cela ne va pas à l'encontre de l'idée d'horizontalité…

Par exemple, chez les zapatistes, ils choisissent 3 coordinateurs par communauté, ce qui permet aux différentes communautés de mieux s'articuler entre elles. Personne ne reste coordinateur, donc pas de prise de pouvoir ou autre… Le  but de la manœuvre au delà de la bonne organisation, est de faire passer chaque personne par ce rôle de coordinateur, même les plus timides…
Tout cela soude le collectif, aide à proposer et à rassembler des idées, et pousse les individus à se dépasser et à créer, car tout devient plus fluide…

4)  As-tu été transformée par le Festizad et, si oui, de quel manière ?
 
Connaissant les coulisses de l'histoire, je tiens à féliciter tout le monde, parce que malgré l'urgence, la police, la boue et le temps, ce n’était pas gagné d'avance… et tout ça sans incident, je tire mon chapeau !! 
C'est beau de voir comment chacun peut donner de sa personne dans une seule et même action commune…

Apres je vais être sincère, et se sont des discussions qu'on a beaucoup eu à la ZAD, pour moi il y a une grande différence entre un concert de soutien de 2h (ce qui était prévu au départ) et 3 jours non stop avec techno et infra-basse. On fait pas du bien à la terre en faisant ça, ni même aux animaux qui vivent ici, je ne parlerai même pas de la consommation d'acides divers et des conséquences directes sur la nappe phréatique, déjà bien abîmée par les lacrymaux des flics…

Je vais donc profiter de cette question pour dire que je suis contre la dictature humaine sur la nature… Je pense que les musiques urbaines que sont le rap et la techno devraient rester dans les zones urbaines… Donc oui, j’ai pris conscience qu’il faut  que je me dépêche de monter une formation acoustique pour ce genre d'évènement !

5) Quel est pour toi la relation entre l’art et la lutte ?

Cette question a longtemps été un dilemme pour moi. Aujourd'hui j'ai compris véritablement que l'art, et pour moi la musique, étaient aussi un front. J'ai participé à beaucoup d'actions sur le terrain, assemblées populaires, occupations, etc. car je pensais que la musique ne pouvait rien faire, en tout cas que ce n'était pas suffisant… mais avec les années, je me suis bien rendue compte que ma musique avait eu bien plus de répercussions que toutes les actions que j'avais pu mener. Je ne dis pas ça pour minimiser les actions concrètes, loin de là, c'est hyper important… mais peut-être que mon front à moi, c'est ça… Faire passer des messages, faire des concerts de soutien, avoir des positions claires, mettre des coup de pied dans la fourmilière et des coups de lumière sur les projets intéressants… En même temps, on est si peu à avoir la parole…


J'aimerais bien qu'un jour les militants m'organisent une tournée en France, et qu'avec l'argent récolté, on achète des terrains pour construire tout plein d'alternatives autour de l'autogestion…

C'est déjà ce que j'essaye de faire avec la sape "La Rabia del Pueblo" tout comme les frangins de la ZAD avec leur marque EMKA…
Non pas que je suis pour l'achat de terre à la base, mais on a besoin de construire durable, et yen a marre de tout se faire détruire et de devoir tout recommencer à chaque fois…

6)  Si tu avais quelque chose à dire, ou à crier à Jean-Marc-Ayrault ?
Je n'ai rien à lui dire, comme je n'ai rien à dire à tous ces hauts placés, leur politique n'est pas la nôtre…

Par contre, j'ai une idée que j'aimerais bien proposer aux zadistes et autres insurgés de France, histoire qu'on nous écoute une bonne fois pour toute, concernant ce projet d'aéroport…

Pour être écouté, il faut toucher au nerfs de la guerre, l'économie…

J'ai fait tout à l'heure un petit pamphlet contre les musiques urbaines dans la nature… Mais là elles prendraient tout leur sens…

Si par exemple on bloquait l'économie du pays à la manières des piqueteros argentins, en bloquant les autoroutes françaises (qui appartiennent majoritairement à Vinci…) en organisant des manifs, des occupations puis des grandes teufs ou/et concerts sur quelques entrées d'autoroutes ou péages. L’action pourrait durer, le temps que Vinci recule… rien qu'une seule journée de blocage, leur ferait perdre je ne sais combien de millions… ça vous dit ?






8 commentaires:

  1. ça fait du bien de lire des gens comme toi (connu),ça donne de l'espoir... profites en bien pour faire passer tes messages car ils sont super et vrai...! Merci pour ce que tu fait...!

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  2. Excellente cette interview ! Et bien, je suis prête pour bloquer les autoroutes... Une date ? ;)

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  3. ben y a des actions au niveau national les 18 et 19 janvier; la cible? VINCI

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  4. Complètement d'accord; En venant à son concert à la ZAD, je me suis rendue compte que les scènes techno, et les spectateurs rattachés à cette musique n'avait rien à faire sur la ZAD. Ou peut être à pourrir la terre

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    1. là je ne suis pas tout à fait d'accord sur ce que tu dit...! car si tu enlèves "les spectateurs rattachés à cette musique" tu enlèves aussi une bonne partie des personnes qui sont venues pour manifester contre ce projet !

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  5. Ce système nous sa enlevé la moitié de la nature sauvage le peu qui nous reste de la vrai nature ils faut qu'on se batte pour la préserver .je suis d'acore avec keny arkana oui pour bloquer les autoroutes leçons les animaux sauvages se reproduire et cette nature libre car c'est la ou vient nôtres subsistance.

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  6. Keny a raison. C'est sur leur terrain qu'il faut attaquer. J'avais fait un petit billet au sujet de Vinci en expliquant que cet aeroport c'etait pour eux l'equivalent de 5 kilometres d'autoroute. C'est a dire presque rien. Pourquoi Vinci s'enmerde avec ce projet qui tiens pas la route et dont le peuple ne veut pas. Qu'ils mette en place un referendum.

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  7. Merci merci merci Keny, je suis aussi tout à fait d'accord avec toi et tes paroles sont BELLES.
    J'étais aussi à la ZAD et j'avais aussi mal pour la Nature alors que nous étions là aussi pour la défendre ... pour rejoindre tes idées, connais tu la permaculture? un concept, une éthique, des outils qui peuvent nous aider pour construire ce monde respectueux de Pachamama, de tous les êtres vivants et vivre en Harmonie les uns avec les autres et avec soi même. Aujourd'hui c'est bien à chacun de nous et ensemble que nous pouvons créer ce monde, créer ce monde dont nous rêvons

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